n.m.anglais,
infiltré peu à peu dans toutes les langues du monde, tout d’abord sous la
furieuse impulsion des Américains pressés d’ exporter sur la planète l’image
agressive de leurs universités prestigieuses, puis devenu une sorte d’uniforme
occidental, vantant les mérites de tel club de foot ou de tel parti politique.
Très
vite les jeunes ont oublié les cravates, méprisé les chemises, jeté l’anathème
sur les costumes.
Les
Britanniques ont pris le même bateau, jetant d’un coup par-dessus bord toute
forme compassée de leurs vêtements d’un autre siècle.
Le T-shirt,
maillot en coton, à manches courtes, s’accompagne le plus souvent d’un short
bleu cocorico ou vert Saint-Etienne, de baskets de marques montées sur pneumatiques. Il véhicule la certitude
absolue d’incarner le summum de l’élégance masculine sous les couleurs de son
club de pétanque favori, de sa quincaillerie aux prix imbattables, de son hôtel
3 étoiles d’Ibiza.
Depuis une dizaine d’années les maillots imprimés offrent gratuitement beaucoup de lectures intéressantes aux usagers fatigués du métro, aux douaniers perplexes des postes frontières, aux pêcheurs médusés de la baie d’Halong du Vietnam ou même aux guerriers Samburu du Kenya.
La
plomberie Grosbinet de Sarcelles, à votre service24 h sur 24, se rencontre
parfois sur les plages de Grèce mais ne déteste pas se montrer également sur la
place Jema’a el Fna de Marrakech, voire encore dans les lacets du mont Ventout
à bas prix, cause départ.
Les
T-shirts Ronaldino ont été aperçus dans le Triangle d’Or de Thaïlande et même dans
les renfoncements sombres des discothèques de Londres, que la lumière glauque tamise,
parfois aussi sous un juillet impitoyablement chaud de l’Afrique du Sahel, mais
saharien détonnant.
Le motard à moustache fourchue et aux gros bras tatoués, exhibe, cool, son Bob Marley Davidson jusque dans le désert de Californie. L’Ausralien shooté au surf, beurré aux pommettes, présente son Che Guevarra dans les clubs très chauds de Kuta à Bali. Une horde de touristes japonais portent à petits pas pressés sur la muraille de Chine leur parapluie blanc à pois rouge, leur sourire figé et les avantages de leur compagnie aérienne. Ainsi, de Vincennes à Auteuil, en passant par Maison-Lafitte, chaque individu soutient son poulain.
Cependant les T-shirts, par la
variété extrême de leurs messages, les niveaux d’humour de leurs contenus, la
pertinence plus ou moins évidente de leurs slogans rageurs, contribuent à
uniformiser la terre du sol au plafond. Ils répandent de bon cœur les détergents
sur tout ce qui bouge, aseptisent toute tache de tradition ou de culture
plurimillénaire, même dans ses recoins les plus intimes, inondent la planète de
la conviction unanime que la vie n’est qu’apparence et factice : accorder
la même importance aux avantages, certes, indéniables de la Caisse d’Epargne où
sommeillerait un écureuil qu’à l’urgence de sauvegarder la biodiversité, n’est
pas de nature à maintenir une image positive de la société occidentale aux
quatre coins du monde.
Quand
un T-shirt « FC Barcelone » ose poser le pied sur la lagune de
Mananjary à Madagascar, là où depuis des milliers d’années les « cœurs
purs » vivent de la pêche, toute l’effrayante panoplie des oiseaux de
mauvaise augure risque de s’installer
durablement dans les semaines suivantes aux alentours du marché aux
poissons : piercings, tatouages, karaoké, films de karaté, télé câblée,
rap, rave, cybercafé, SMS, SFR, rencontres Internet pas très nettes, paysage
profané de béton, d’hôtels bricolés à la hâte, batteries de T-shirts fluo
exposés sans conviction à l’heure vide de la sieste, par quelques ex-pêcheurs,
maillons faibles de la passe, prêts à vendre d’autres passes, plus lucratives,
avec le concours des autorités locales.
Ils
ont abandonné leurs filets.
Demain
ils quitteront leur famille.
L’Europe
a connu les invasions barbares au III ième siècle. Aujourd’hui la terre subit
une invasion totale par les T-shirts.
(T-shirts asiatiques, heureux de poser à côté de T-shirts européens)
JAC, le 18 novembre 2009
Sur la dernière photo, l'homme au T-shirt bleu et rouge me ressemble étrangement...Je risque des ennuis avec mon épouse...
Rédigé par : Daniel Bas dit Chedozot | 19/11/2009 à 05:29
Alors là, Jacques, c'est du pur génie ! Ne serait-ce que pour tes cabrioles sémantiques au sujet des pêcheurs à passes.
Merci Jacques. Cocode doit applaudir, hilare, à tout rompre, en te lisant de là-haut.
Rédigé par : Phil' | 19/11/2009 à 00:04