15 janvier 1998, Zagora, Maroc,
Une étrange
ville souterraine entre Zagora et le désert...Pas de nom. Aucune trace sur la
carte. Une ville fantôme.
On descend
dans une sorte de cave aux couloirs hantés d'obscurité. Très vite on est happé
par la fraîcheur des entrailles de la terre...
Derrière
moi, une femme voilée, toute de noir vêtue, attend. Un rémouleur est entouré
d'enfants qui l'observent. Mon guide me parle tout bas. Je ne l'écoute pas, occupé
que je suis, à ne pas trébucher sur des sacs entreposés aux endroits les plus
inattendus. Une humanité active grouille et chuchote dans ces profondeurs. Un
plafond ajouré. Un bout de ciel, puis une opacité troublante. Parfums de cumin,
d'orange, de cannelle. Odeurs de champignons, de moisissures diverses. Nos pas
résonnent. Il faut enjamber des poteries couvertes de poussière. On descend
deux marches. On en remonte cinq. Long couloir humide dans une lumière
blafarde. Mon ange gardien me conduit en me tenant par la main. Je lui fais
confiance, mais à l'aide de mon autre main libre, je tâte les murs,
méthodiquement, pour ne pas perdre l'équilibre.
Des appels
aux croisements des galeries. Il fait très frais. Il fait très chaud. Comme
devant le four d'un boulanger. Quelqu'un fouille dans ma poche. Je me retourne.
C'est un âne qui se frotte à moi. Plus loin, un attroupement de femmes.
Conciliabules et doux bruits d'étoffes froissées. Des hommes, tout près,
récitent des prières. Puis c'est l'atelier d'un ferblantier. Faiblement éclairé
par quelques bougies, il fabrique des lampes de jardin.
Envie
soudaine de fuir cette ville inquiétante.
A cet
instant les rayons du soleil nous aveuglent. Enfin, nous sommes hors des
ténèbres, impatients de respirer l'air pur à la lumière du jour. Et pourtant,
c'est à regret que nous quittons la nuit.
Aussitôt des
fouets claquent. Des sabots tambourinent. Des centaines, des milliers d'hommes,
assis en amazone sur des chevaux, sur des mulets, sur des ânes, se rendent au
marché. Ils viennent. Ils sortent de tous les côtés. Ils se regroupent. Se
dispersent. S'enfoncent dans une ruelle, puis une autre. Des groupes disparaissent,
ressurgissent plus loin, plus nombreux, plus rapides. Le pays est envahi. De
poussière, de mouvements, de pattes, de cris, de galops, de paniers.
Nous
arrivons en titubant presque, devant la voiture. Nous ouvrons les portes
lentement pour ne rien perdre des clameurs, des courses folles, avec l'espoir
de happer et de garder pour toujours une image des derniers cavaliers heureux
de la terre.
Mais...le
véhicule est enlisé. Les roues patinent, s'enfoncent, creusent leur propre
tombe. Nous sortons les uns après les autres. Le vent sec s'est levé et
tourbillonne. L'atmosphère devient Irrespirable. Nous demandons de l'aide. Nos
sens se dérèglent. Le sable paralyse le village battu par les tourbillons du
simoun. Nous sommes paralysés d'émotion. Au coeur du Moyen-Age, peut-être même
à l'époque des pharaons...
Comment remonter les couloirs du temps? Où trouver
les élixirs?
(Soudain le pays est envahi de poussière, de mouvements, de pattes, de cris, de galops, de paniers...)
JAC, le 25 avril 2009
Les commentaires récents